Le 17 mai 2013 a été adoptée en France,
la loi N°2013-404 ouvrant le mariage aux couples de même sexe. A l’heure où les premiers couples de même sexe s’unissent à travers le mariage, il est temps de s’interroger sur les conséquences de cette évolution du code civil pour nos futures recherches généalogiques. Au delà de toute polémique, j’ai mis en évidence ce que dit cette nouvelle loi avant de m’interroger sur ses conséquences sur le travail des généalogistes.
J’attends vos points de vue sur cette réflexion.
Ce que dit la Loi
Le mariage
L’article 143 du code
civil précise que le mariage est
contracté par deux personnes de sexes différents ou de même sexe. L’âge minimum
pour contracter un mariage ne change pas (18 ans révolus), ni les prohibitions :
le mariage entre frères et sœurs, entre tantes et neveux ou nièces, entre
oncles et neveux ou nièces demeure interdit.
Les actes de l’état civil
L’article 34-1 rappelle que les actes de l'état civil sont
établis par les officiers de l'état civil. Ces derniers exercent leurs
fonctions sous le contrôle du procureur de la République.
Le lieu du
mariage
Les futurs mariés pourront s’unir au choix dans
l’une de leurs communes de résidence ou dans celle d’un de leur parent.
Célébration du mariage
Le mariage est célébré publiquement lors d'une cérémonie républicaine par l'officier de l'état civil
de la commune où l'un des époux a son domicile ou sa résidence.
L’adoption
Le droit à
l’adoption découle directement du droit au mariage. Le projet de loi permet
ainsi aux couples homosexuels d’accéder à l’adoption simple et à l’adoption
plénière. Les mariés peuvent adopter l’enfant de leur conjoint, ou adopter un
enfant ensemble, en France ou à l’étranger.
L'adoption plénière de
l'enfant du conjoint est permise :
-
lorsque l'enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce
conjoint
- lorsque l'enfant a fait l'objet d'une adoption
plénière par ce seul conjoint et n'a de filiation établie qu'à son égard
-
lorsque l'autre parent que le conjoint s'est vu retirer totalement l'autorité
parentale
-
lorsque l'autre parent que le conjoint est décédé et n'a pas laissé
d'ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement
désintéressés de l'enfant.
La filiation
Les mots
«père» et «mère»sont remplacés par le mot « parents ». Les mots
« mari et femme » sont remplacés par le mot « époux ».
Le nom de
famille
Chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux,
par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit.
L’enfant
adopté a le nom de famille de l’un de ses deux parents, ou les deux accolés,
dans l’ordre de leur choix, «dans la limite d’un nom de famille pour chacun
d’eux». Une nouveauté qui concerne tous les couples : si les parents ne se
mettent pas d’accord sur le nom, l’enfant prend automatiquement les deux noms
de famille accolés, dans l’ordre alphabétique. Jusqu’ici, c’était le nom du
père qui était donné en cas d’absence de choix. Un enfant adopté devra porter
le même nom de famille que ses frères ou sœurs aînés.
Conséquences pour les généalogistes
Nous avons presque tous dans nos familles des
enfants nés de parents inconnus ou de père inconnu. Cela ne pose pas de
problème majeur pour la construction de nos arbres. En ce qui concerne le mariage de deux personnes
du même sexe, aujourd'hui je considère que la généalogie est tout à fait
capable de s’adapter.
En effet,
- soit un des deux ou les deux parents avaient déjà des enfants
d'une relation préalable hétérosexuelle, auquel cas on peut déterminer une
filiation classique
- soit aucun des deux parents n'avait d'enfant d'une union
préalable, et le généalogiste s’arrête là.
Logiciels de généalogie et formes de procréation
Dans les deux cas, les logiciels de généalogie,
comme celui que j’utilise Hérédis, autorisent le choix d'un sexe qui est le même
pour chacun des deux parents, donc on peut faire figurer le couple dans son
arbre. Trois cas peuvent se poser :
- l'adoption par un couple homosexuel
- la procréation par un couple homosexuel de façon naturelle
- la procréation par un couple homosexuel par la Procréation
Médicalement Assistée
Adoption
L'adoption par un couple homosexuel est identique au cas de l'adoption par un
couple hétérosexuel. La problématique est la même.
Procréation naturelle
La procréation naturelle par
un couple homosexuel représente le cas où une des femmes du couple a des
relations hétérosexuelles en vue de tomber enceinte et d'avoir un enfant. Si le
géniteur est connu, on peut le nommer partir de lui pour remonter la filiation
de l'enfant, sinon, on sera dans le cas d'un "père inconnu". On peut
aussi considérer l'autre femme du couple comme étant le conjoint naturel et que
partir de cette personne pour faire la généalogie de l'enfant.
Mère porteuse ?
Dans le cas où un
couple d'hommes utilise les services d'une mère porteuse pour avoir un enfant,
on a la même problématique. La mère porteuse étant la mère biologique de
l'enfant à naître, doit-on partir d'elle pour établir la généalogie de ce
dernier ? Le cas se complique bien sûr si les dons de spermatozoïdes ne proviennent pas
de l'homme du couple, mais d'un tiers. On a dans ce cas une mère porteuse qui
est la mère biologique et un père inconnu. La filiation généalogique doit donc
partir de ces données. Ce cas n’est pas encore autorisé en France mais il
existe dans la réalité.
PMA
La procréation médicalement assistée renvoie aux mêmes
problèmes que ceux soulevés précédemment. Non autorisée en France pour les couples homosexuels, elle se pratique dans plusieurs pays européens. Des couples français ont eu des enfants par ce moyen et ils sont à intégrer dans nos filiations. Si on connaît le géniteur, il semble
logique de partir de ce dernier pour établir la généalogie de l'enfant, sinon,
on doit considérer l'enfant comme ayant un parent inconnu. C’est le cas dans
mon arbre généalogique. Cela n’empêche nullement de remonter la filiation du
conjoint qui constitue la filiation « sociale » de l’enfant. Celle-ci
peut avoir un intérêt pour l’enfant car elle a un rôle sur l’éducation et les
choix qu’il sera amené à faire dans sa vie d’adulte. Dans ce cas le généalogiste peut avoir le
libre choix de sa recherche.
Vers une filiation sociale ?
Les
difficultés rencontrées par les généalogistes du futur ne sont donc pas insurmontables. On
peut tout à fait établir la généalogie d'une personne en fonction des
liens biologiques comme on peut la lier
à ses parents qui l'élèvent. Nos
logiciels permettent d’introduire ces deux dimensions si elles sont connues.
Nous lisons les actes tels qu’ils sont rédigés, conformément aux lois en
vigueur et nous savons nous adapter à toutes les situations. La généalogie
n’est pas mise en péril. Au contraire, le besoin de connaître ses origines ne
peut que se renforcer avec la complexification des familles. C’est pourquoi, on
peut introduire, dans nos réflexions, à côté de la filiation biologique, une
notion de filiation « sociale ». Le débat n’est donc pas clos.
A lire
4 commentaires:
Un autre blog en parlait avant que la loi ne passe :
http://geneanjou.blog.lemonde.fr/2012/09/21/deux-homosexuelles-dans-un-arbre/
Merci de votre lien entre nos deux blogs. En attente d'autres commentaires. Cordialement.
La principale question n'est pas de savoir comment intégrer les nouvelles formes familiales (qui existaient déjà avant la loi) mais de déterminer si la généalogie est biologique ou sociale. Dans le premier cas, ce sont les liens fixés par l'ADN qui seront déterminant et donc l'avantage sera donné à la généalogie génétique. Dans le deuxième cas, ce sont les parents socialement déclarés, ceux qui assurent l'éducation, qui seront pris en compte. En fait, tout se résume dans une question que se posent tous les éducateurs: le comportement d'un individu (et donc l'orientation de sa vie) est-il davantage déterminé par l'éducation ou par l'hérédité? Je penche pour la première option parce que dans toute généalogie existent des individus pour lesquels la génétique infirmerait ceux que dit l'état civil par exemple.
Vaste débat en perspective, je crois.
Roland
@Erbé Merci de votre commentaire. Je constate que la généalogie s'adapte très bien aux évolutions des législations. Elle s'appuie sur les actes officiels et donc, au delà des débats idéologiques, elle n'empêche nullement à chaque individu de retracer sa lignée familiale. Dans ce sens, elle ne prend en compte que la lignée légale, telle qu'on peut en retrouver la trace dans les actes. Ceci étant posé, c'est là que l'histoire des individus et des familles est intéressante et apporte de la "chair" à la généalogie. D'où l'intérêt des blogs généalogiques. Que pouvons nous percevoir, ressentir, imaginer... au travers ou au delà des arbres ? Un exemple dans ma famille : une cousine a sa grand-mère M. qui est d'origine polonaise. Je le sais par le témoignage de mes grands-parents aujourd'hui décédés. Pourtant, cet enfant M. est bien née en France, son père légal est R. Ce dernier, prisonnier de Guerre, a ramené de l'actuelle Pologne, une jeune femme enceinte qu'on appellera B. Sur le plan généalogique, tout colle. Pourtant B. est blonde, parle très peu le Français et le village ne l'a jamais tout à fait considérée comme une villageoise comme une autre. Sa fille M. a sans doute subi des discriminations. Mais tout ceci reste de l'imaginaire ou de l'ordre de la psychanalyse. Elle a construit sa lignée descendante avec son histoire particulière. Ses descendants sont-ils informés ? Personne n'en parle. Cela fait partie des "secrets de famille". Ainsi se construit la généalogie... Avec ses imperfections et sa dimension humaine et historique. Passionnant Non ?
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