Maurice Mulot est un vrai héros ordinaire de la guerre de 39/45. Je souhaite lui rendre hommage en évoquant cette période sombre de notre histoire. Face au nazisme, des jeunes gens sont entrés en résistance. Maurice fait partie de ceux-là.
Maurice Mulot était un ami de mon grand-père Marcel Bourgoin, demeurant tous les deux dans le village de Chailley dans l'Yonne, près de Saint-Florentin en Bourgogne. Je l'ai un peu connu, lors de mes venues à Chailley en vacances, chez mes grands-parents. Lors du décès de Marcel Bourgoin, en 1989, Maurice Mulot et Simon Legouge, résistant et déporté avec lui, témoignent de leur amitié.
Ce n'est que dernièrement que ma tante Nicole Frochot, demeurant à Chailley, m'a fait lire les notes, prise du vivant de Maurice Mulot, qui lui avait confié son témoignage. A partir de ces écrits si forts et poignants, j'ai eu envie de plonger dans la vie pas si ordinaire de ces courageux résistants de l'Yonne. Dans nos temps troublés, nous ne pouvons oublier ces héros "ordinaires" de nos villages, si discrets alors qu'ils ont eu un destin hors du commun. Maurice, Simon, Roger... des amis pour la vie de Marcel mon grand-père, déporté en Stalagh en Poméranie, suite à une dénonciation, alors qu'il participait au ravitaillement du maquis en qualité de boucher du village. Je vais évoquer leur traversée de la deuxième guerre mondiale qui les a frappé dans leur début de leur vie d'adulte.
Le journal Le Bourguignon, contrôlé par la censure allemande, relate le sabotage comme un accident : « (…) à 4h 30, jeudi matin, une violente explosion dont les répercussions s’étendirent en certains points à plus de soixante kilomètres, éveilla et mit en émoi une grande partie des populations de l’Yonne ; la vénérable et célèbre abbaye cistercienne n’a elle-même pas été épargnée. La voûte du sanctuaire est gravement fissurée (…) »
Quelques heures après le sabotage, Georges Vannereux est appréhendé lors d’un contrôle de police. Le lendemain, trois agents de la Gestapo effectuent une descente au domicile d’Irène Chiot. Ils l’arrêtent ainsi que Jorge Semprun surpris dans son sommeil. Cette double arrestation entraîne le démantèlement du groupe et Irène Chiot est incarcérée à la prison d’Auxerre. Après avoir été atrocement torturée, Irène Chiot est transférée au camp de Compiègne, fin janvier 1944. Quelques jours plus tard, le 31 janvier, elle fait partie, avec cinq résistantes icaunaises, du plus important convoi de déportées de France vers le camp de Ravensbrück (959 femmes). Irène Chiot décède d’épuisement et de dysenterie à Bergen-Belsen le 6 juin 1945, quelques semaines après la libération du camp.
A Chailley et en forêt d’Othe en 1944
« Une animation, une activité intenses règnent depuis quelques jours aux abords immédiats et à l’intérieur de ce grand caravansérail du boulevard Raspail. Il n’y a pas encore longtemps nos « corrects » occupants y effectuaient d’inutiles travaux de retranchement. Ce sont aujourd’hui leurs victimes, les déportés politiques, qui exclusivement remplacent dans les chambres luxueuses et les somptueux salons les «souris grises» et leurs mâles arrogants. J’ouvre ici une parenthèse pour signaler que ces déportés politiques sont arrivés à Paris par leurs propres moyens, en faisant le mur, en quelque sorte comme s’ils étaient toujours effectivement prisonniers. Enfermés à nouveau dans des camps en quarantaine, nourris sans discernement d’aliments trop riches après un jeûne prolongé ces malheureux se voir mourir plu misérablement encore d’avoir entrevu un court instant l’aube de la liberté. Ne peut-on rapatrier plus rationnellement nos pauvres compatriotes épuisés ? Pour revenir au centre d’accueil de Lutétia réservé aux déportés, malgré son importance, il sera bientôt nettement insuffisant. Il est plein à craquer et tout a été pratiquement utilisé. Un brouhaha indescriptible de cris et d’appels confus y règne. Ce ne sont cependant pas les déportés eux mêmes qui sont capables dans leur piètre état physiologique de créer tout ce tintamarre et cette animation. D’une maigreur étonnante (il est des grands gars de 38 kilos) dans leur souquenille rayée de larges bandes bleues et grises, ils sont à petits pas hésitants de vieillards s’aidant souvent d’une canne et guidés par des scouts infatigables, admirables de dévouement. L’épuisement des ces êtres est tel qu’il apparait indispensable de les réadapter à presque tous les actes de la vie normale ; C’est avec indifférence, avec atonie qu’ils supportent les multiples formalités du contrôle militaire, de l’habillement, du service social...etc. On se sent invinciblement pris de timidité devant ces hommes et ces femmes recroquevillés, vieillis, amoindris, dans leur condition physique dont les yeux agrandis reflètent encore l’horreur et l’effroi. Le peuple gouailleur de Paris lui-même dont le flot généreux vient battre sans répit les portes du Lutétia montre une étrange pudeur à découvrir son cœur et son émotion. Personne n’ose sans hésitation interroger ces pauvres rescapés des radeaux de la méduse nazie » Signé Feline - Journal Libres
De leur union vont naître 3 enfants : Daniel , Ginette et Gérard. Leurs enfants leur donneront des petits-enfants et arrière petits-enfants qui assurent ainsi la pérennité de la famille.
Maurice Mulot 1989 (Archives V. Battut) |
Maurice Mulot était un ami de mon grand-père Marcel Bourgoin, demeurant tous les deux dans le village de Chailley dans l'Yonne, près de Saint-Florentin en Bourgogne. Je l'ai un peu connu, lors de mes venues à Chailley en vacances, chez mes grands-parents. Lors du décès de Marcel Bourgoin, en 1989, Maurice Mulot et Simon Legouge, résistant et déporté avec lui, témoignent de leur amitié.
Ce n'est que dernièrement que ma tante Nicole Frochot, demeurant à Chailley, m'a fait lire les notes, prise du vivant de Maurice Mulot, qui lui avait confié son témoignage. A partir de ces écrits si forts et poignants, j'ai eu envie de plonger dans la vie pas si ordinaire de ces courageux résistants de l'Yonne. Dans nos temps troublés, nous ne pouvons oublier ces héros "ordinaires" de nos villages, si discrets alors qu'ils ont eu un destin hors du commun. Maurice, Simon, Roger... des amis pour la vie de Marcel mon grand-père, déporté en Stalagh en Poméranie, suite à une dénonciation, alors qu'il participait au ravitaillement du maquis en qualité de boucher du village. Je vais évoquer leur traversée de la deuxième guerre mondiale qui les a frappé dans leur début de leur vie d'adulte.
Maurice Mulot et Simon Legouge en 1989 devant la Chapelle de Chailley
La famille Mulot
Maurice Georges Mulot est né le le 17 avril 1921 à Ligny-le-Châtel (Yonne). Son père est Georges Mulot, chauffeur né en 1894 à Paris. Sa mère s'appelle Hélène Camille Juliette Laroche, née le 14 juillet 1895 à Ligny-le-Châtel. Ils se marient le 2 février 1918 à Paris dans le 10ème arrondissement. Ils ont deux enfants : Suzanne Lucienne Mulot qui épouse Jean François Jaoul, puis Roger Gustave Bouchard et Maurice Georges Mulot qui se marie avec Marcelle Beaulieu.
➢ Les grands parents paternels de Maurice Georges Mulot sont Elie Gervais Mulot, Bijoutier, né en 1864 et Emilie Sidonie Tremblay son épouse née le 11 mai 1858 à Ligny-le-Châtel, décédée le 3 avril 1915 à Paris, à l’âge de 56 ans. C’est la fille de Etienne Armand Rosalie Eugène Tremblay né le 19 juin 1819 à Pontigny 89 cantonnier et facteur de ville et de Marie Louise Suzanne Chevillot, domestique.
➢ Les grands parents maternels de Maurice Georges Mulot sont Alfred Martin Laroche né le 5 avril 1858, Plâtrier, à Ligny le Châtel et Irénée Jeanne Flavie Tressou. Alfred Martin Laroche est le fils de Jean Valentin Laroche né le 29 juillet 1838 à Saint-André-de-Cubzac en Gironde, décédé le 19 août à Ligny le Châtel et de Marie Augustine Gautherin, née le 8 décembre 1848 à Ligny le Châtel.
➢ Les grands parents paternels de Maurice Georges Mulot sont Elie Gervais Mulot, Bijoutier, né en 1864 et Emilie Sidonie Tremblay son épouse née le 11 mai 1858 à Ligny-le-Châtel, décédée le 3 avril 1915 à Paris, à l’âge de 56 ans. C’est la fille de Etienne Armand Rosalie Eugène Tremblay né le 19 juin 1819 à Pontigny 89 cantonnier et facteur de ville et de Marie Louise Suzanne Chevillot, domestique.
➢ Les grands parents maternels de Maurice Georges Mulot sont Alfred Martin Laroche né le 5 avril 1858, Plâtrier, à Ligny le Châtel et Irénée Jeanne Flavie Tressou. Alfred Martin Laroche est le fils de Jean Valentin Laroche né le 29 juillet 1838 à Saint-André-de-Cubzac en Gironde, décédé le 19 août à Ligny le Châtel et de Marie Augustine Gautherin, née le 8 décembre 1848 à Ligny le Châtel.
La laiterie familiale à Chailley
Georges Mulot et Hélène Laroche s'installent à Chailley et créent, en 1941, la Laiterie Fromagerie, au lieu dit les Près Verts. Ils produisent plusieurs fromages comme un camembert ou le fromage "le Saint-Florentin" qui a pour devise : Pour trouver bon le vin, mangez un bon St-Florentin, pur gras, 50% MG. Le Saint-Florentin est un fromage au lait cru, à pâte molle non pressée et non cuite, à croûte lavée, moulé naturellement selon une vieille tradition, originaire du village de Chailley à côté de Saint-Florentin dans le département de l'Yonne (musée du camembert)
Le début de la 2ème guerre mondiale en septembre 1939
Après une enfance sans histoire, Maurice Mulot travaille à la laiterie comme chauffeur, chargé du ramassage du lait. Il a 19 ans quand la seconde guerre mondiale est déclarée. En effet, après l'invasion de la Pologne par l'Allemagne, le 1er septembre 1939, la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l'Allemagne le 3 septembre 1939. L'Allemagne nazie envahit la France, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas le 10 mai 1940. La vie de Maurice Mulot va basculer, comme celle de tous les Français. L'Yonne se trouve plongée dans la tourmente à partir du 15 mai 1940. Les Allemands entrent le 15 mai 1940 à Joigny, Chablis et Auxerre. Le lendemain, ils occupent Toucy, la Puisaye ainsi que le sud du département. "Le département de l'Yonne entre brutalement dans la guerre en juin 1940 quand les avions de la Luftwaffe, toutes sirènes hurlantes, écrasent les villes sous leurs bombes. La population en pleine débâcle fuit sur les routes de l'exode. En deux jours, le département est submergé, occupé " (Joël Drogland). Le 11 juin, le gouvernement se replie de Paris à Bordeaux. Le 14 juin, la gare de Migennes subit son premier bombardement. Le même jour, les troupes allemandes sont signalées près de Sens. Le 15 juin, les bombardements s'intensifient en plusieurs endroits du département qui font 930 morts et les personnes qui cherchent à fuir sont mitraillées notamment à Vergigny près de Saint-Florentin. Le 16 juin, le département est totalement contrôlé par l'armée allemande.
L'ordre allemand règne en 1940, dans le département de l'Yonne en zone occupée
Le président du Conseil, Paul Reynaud est contraint de démissionner. Le Maréchal Pétain devient alors Président du Conseil, le 16 juin 1940. Il signe l'armistice franco-allemand reconnaissant la défaite de la France, le 22 juin 1940. Il forme un nouveau gouvernement qui s'installe à Vichy et obtient les pleins pouvoirs le 10 juillet 1940. La Kommandantur d'Auxerre devient le centre de commandement de la Wehrmacht dans l'Yonne, l'armée d'occupation allemande. Elle est située 15, avenue Foch à Auxerre. A Saint-Florentin, est installé un détachement pour assurer la surveillance des usines, du dépôt militaire de Germigny et de la gare de Vergigny utilisée pour les transports de troupes.
La caserne allemande Hindenburg, actuel Lycée Vauban à Auxerre |
Les réquisitions allemandes de produits agricoles et le service de travail obligatoire
L'occupant allemand s'installe dans la plupart des villes et villages, occupant les écoles, les maisons bourgeoises ou tous les bâtiments de leur choix. Le couvre-feu est instauré. Des réquisitions sont imposées aux fermes agricoles en vue de satisfaire les besoins allemands, des cartes et tickets de rationnement sont imposés à la population locale. Un appel aux volontaires pour travailler en Allemagne est lancé en 1942 . Seuls 850 jeunes de l'Yonne partent sur les 2400 attendus. Aussi, en 1943, les jeunes icaunais nés entre 1920 et 1923, sont convoqués par voie d'affiche au service du travail obligatoire (STO). Ils doivent s'y rendre sous peine de sanctions. Cet enrôlement ne suscite aucun enthousiasme et sur les 5000 jeunes contrôlés, 1/3 est défaillant. Les réfractaires sont partis se cacher dans la campagne. La chasse aux réfractaires est lancée, c'est alors qu' ils partent dans la clandestinité ou la résistance. C'est le cas de Maurice Mulot. Il se confie à Nicole Frochot, qui a recueilli consciencieusement par écrit ses propos : "J'ai reçu deux ordres pour partir en Allemagne, en service de travail obligatoire. Feuille de route immédiatement brulée. Puis une seconde : idem. C'est étonnant mais je n'ai jamais eu de suite à cela. Ils sont venus en 1944 perquisitionner chez moi, 2 rue du midi à Chailley, ont fouillé partout, dans la fosse puisque jusqu'au bois de la garenne. Ils n'ont rien trouvé. J'avais certainement été dénoncé. En 1943, sur ma carte d'identité, étant convoqué, j'avais changé de profession pour celle d'agriculteur ce qui me sauva de l'Allemagne".
La résistance dans l'Yonne
Après le choc de l'invasion est de l'occupation allemande qui entraîne des réquisitions de produits agricoles et du cheptel et des réquisitions de main-d'oeuvre, la résistance de l'Yonne s'organise.
Son père Georges Mulot entre en résistance dès 1940
Son père Georges Mulot entre en résistance dès 1940
En juin 1940, c'est la défaite et l'armistice. Comme beaucoup d'autres de ses compatriotes, Georges Mulot n'accepte pas cette honte et entre en résistance à l'occupant "Mon père Georges Mulot était directeur de la Laiterie des fermiers réunis de Laroche n°145-149 et notre chef de résistance" témoigne Maurice Mulot."Quand à moi, en 42, j'étais caché chez Lucien Pouillot avec le futur marié de Micheline Combes. Seuls Marcel Bourgoin et Raymond Charlot étaient au courant. On resta là deux mois. On sortait par l'arrière, la nuit. Lucien faisait le guet. On allait voir mes parents à la laiterie et on rapportait des provisions. Par mauvais temps, ou lors d'allées et venues suspectes, mon père cachait les provisions dans un bidon de lait vide et livrait sur place; Chiade, la mère Pouillot était bourrue mais si dévouée. A l'heure exacte, à table ! Son mari n'avait plus d'oreilles car elles avaient gelé en 14/18. Je suis resté là environ deux mois. Croyant que cela stoppait, on a cru à une accalmie et nous sommes ressortis".
Roger Combes, Charron à Chailley, résistant, raconte également ses souvenirs
Roger Combes est né à Chailley le 14 septembre 1923. Il exerce le métier de charron. Il raconte à Nicole Frochot qui note fidèlement ses propos : "Georges Mulot ainsi que Raoul Dubois (futur Maire de Turny) furent mes parrains de résistance. On a fait sauter des lignes sur Migennes avec Georges Mulot et André Ducourrois...J’ai couché 8 jours à la Garenne (Bois situé au Ruet) dans une casemate, sorte de grotte sous terre, creusée par Paul Malon qui resta avec nous. Plus Dédé, Imfré, moi, Paul Malon et deux autres. Je suis revenu dans la nuit du 23 juin 1943. Mimile Combes m’a prévenu de la présence des allemands. Avec mon beau-frère on s’est sauvé vers la Chaillotine (à l’époque ça n’existait pas) en savates. On entendait rouler le canon rue du Dteur Boichut. Nous sommes arrivés au bois des Mauvières vers les Fourneaux dans un champ de sarrazin. On les entendait tirer partout dans les buissons, surtout sur le Vaudevanne. Nous sommes revenus croyant les allemands partis. Soudain du bruit dans un buisson : c’était le père Mulot Georges ! Notre chef de résistance était caché là. Il était camouflé avec un casque rempli de feuillage, tenue verte avec encore des feuilles autour du cou et des vêtements. Lui est resté là et nous sommes remontés à plat ventre. Et il y avait un découvert de 100 mètres avant d’attendre le bois. Le soir seulement on a réussi à trouver refuge chez Gabriel Jossier qui nous a couché dans le fourrage deux jours. Là nous avions retrouvé le père Mulot . Ensuite le commandant Verneuil est venu chez le père Mulot, son PC était au Vaudevanne".
Maurice Mulot intègre le groupe de résistance Bayard de Joigny en 1942
Maurice Mulot, le fils de Georges, intègre le groupe de résistance Bayard de Joigny, sous le numéro 406, dirigé par le commandant Paul Herbin dit "Hubert", ancien officier de la guerre de 14/18. "Je faisais partie de la résistance, groupe Bayard du commandant Herbin à Joigny. Je recevais des ordres à la laiterie par la capitaine Irène Chiot qui venait de Joigny en vélo. Elle avait plusieurs personnes à contacter " se souvient Maurice Mulot. Il participe alors à diverses opérations de sabotage et au ravitaillement de maquis de la région en cachant du matériel dans des bidons de lait, au cours de ses tournées de ramassage.
Irène Chiot, assistante sociale, est décrite comme une personne énergique, volontaire et soucieuse d’indépendance. En 1940, refusant l’occupation et désireuse d’agir pour libérer son pays, elle s’installe dans la région de Toulouse et participe à la création d’un réseau nommé Trait d’Union, composé d’anciens militaires. Puis, Irène Chiot revient dans l’Yonne à Epizy, près de Joigny où vit sa mère, Anna, pour y créer un groupe de résistance. Il naît à partir d’un noyau familial composé de sa cousine, Paula Buchillot, de son cousin Roger Rouard et de relations de voisinage comme Fernand Dufour, Georges Pellard, Henri Eternot, René Deharbe et Georges Vannereux. Tous sont sédentaires ce qui signifie que contrairement aux clandestins, ces derniers ont gardé leur domicile et leur profession.
Après les premières actions, comme l’organisation d’évasions de prisonniers de guerre à Joigny, le groupe noue des contacts avec les représentants des organisations de résistance qui commencent à s’implanter dans l’Yonne au printemps 1943. Irène Chiot est un membre actif du groupe Bayard. Son objectif principal est de se procurer des armes. Elle participe au cours de l’été 1943, aux premières réceptions de parachutage dans l’Yonne, comme le 23 août à Piffonds et le 16 septembre à Volgré au lieu-dit les Tuileries. Irène Chiot constitue un dépôt d’armes à Epizy. Par l’intermédiaire de Georges Vannereux, des armes et des munitions passent chez des groupes et maquis FTP comme celui des frères Horteur, du maquis Vauban et du maquis Bourgogne dirigé par Henri Camp. Des armes ont servi aussi aux groupes FTP-MOI de la région parisienne car Michel Herr dit "Jacques Mercier" et Jorge Semprun dit « Gérard » étaient hébergés chez Irène Chiot. Le 7 octobre 1943, un commando composé d’Irène Chiot, de Paula Buschillot, de Roger Rouard et de George Vannereux organise le sabotage d’un train allemand stationné à Montigny dans l'Yonne. L’explosion de sept wagons provoque également une énorme excavation de 8 mètres de profondeur et endommage les habitations les plus proches, entraînant la mort d’une fillette.
Après les premières actions, comme l’organisation d’évasions de prisonniers de guerre à Joigny, le groupe noue des contacts avec les représentants des organisations de résistance qui commencent à s’implanter dans l’Yonne au printemps 1943. Irène Chiot est un membre actif du groupe Bayard. Son objectif principal est de se procurer des armes. Elle participe au cours de l’été 1943, aux premières réceptions de parachutage dans l’Yonne, comme le 23 août à Piffonds et le 16 septembre à Volgré au lieu-dit les Tuileries. Irène Chiot constitue un dépôt d’armes à Epizy. Par l’intermédiaire de Georges Vannereux, des armes et des munitions passent chez des groupes et maquis FTP comme celui des frères Horteur, du maquis Vauban et du maquis Bourgogne dirigé par Henri Camp. Des armes ont servi aussi aux groupes FTP-MOI de la région parisienne car Michel Herr dit "Jacques Mercier" et Jorge Semprun dit « Gérard » étaient hébergés chez Irène Chiot. Le 7 octobre 1943, un commando composé d’Irène Chiot, de Paula Buschillot, de Roger Rouard et de George Vannereux organise le sabotage d’un train allemand stationné à Montigny dans l'Yonne. L’explosion de sept wagons provoque également une énorme excavation de 8 mètres de profondeur et endommage les habitations les plus proches, entraînant la mort d’une fillette.
Le journal Le Bourguignon, contrôlé par la censure allemande, relate le sabotage comme un accident : « (…) à 4h 30, jeudi matin, une violente explosion dont les répercussions s’étendirent en certains points à plus de soixante kilomètres, éveilla et mit en émoi une grande partie des populations de l’Yonne ; la vénérable et célèbre abbaye cistercienne n’a elle-même pas été épargnée. La voûte du sanctuaire est gravement fissurée (…) »
Quelques heures après le sabotage, Georges Vannereux est appréhendé lors d’un contrôle de police. Le lendemain, trois agents de la Gestapo effectuent une descente au domicile d’Irène Chiot. Ils l’arrêtent ainsi que Jorge Semprun surpris dans son sommeil. Cette double arrestation entraîne le démantèlement du groupe et Irène Chiot est incarcérée à la prison d’Auxerre. Après avoir été atrocement torturée, Irène Chiot est transférée au camp de Compiègne, fin janvier 1944. Quelques jours plus tard, le 31 janvier, elle fait partie, avec cinq résistantes icaunaises, du plus important convoi de déportées de France vers le camp de Ravensbrück (959 femmes). Irène Chiot décède d’épuisement et de dysenterie à Bergen-Belsen le 6 juin 1945, quelques semaines après la libération du camp.
Sources : Témoignage de Serge Caselli (2002). Robert Loffroy, Souvenirs de la guerre, manuscrit inédit. Leger Jean, Petite chronique de l’horreur ordinaire, Auxerre, ANACR.-Yonne, 1998, Vincent Alain, Les blés rouges, la bataille du rail à Laroche-Migennes, Clamecy, éditions de l’Armançon, 1996
Jorge Semprun arrêté à Joigny, emprisonné à Auxerre, témoigne dans ses livres
Jorge Semprun, résistant, écrivain et cinéaste |
Résistant, homme politique, écrivain, cinéaste Jorge Semprun croise la route de Maurice Mulot. Avant de prendre la plume pour écrire les scenarii des films Z et L'Aveu de Costa Gavras et bien avant d'être nommé ministre de la Culture dans le premier gouvernement socialiste espagnol de l'après franquisme (1988-1991), Jorge Semprun résiste, en France, contre l'occupant nazi. Le jeune homme a quitté son Espagne natale avec ses parents, quelques années plus tôt, pour fuir la dictature. Envoyé dans l'Yonne pour récupérer des armes au cours de l'été 1943, celui dont les faux papiers étaient au nom de Gérard Sorel, jardinier, est arrêté à Joigny, puis détenu à la prison d'Auxerre et torturé par la Gestapo à l'hôpital psychiatrique, avant d'être déporté au camp de concentration de Buchenwald. Jorge Semprun consacre plusieurs de ses écrits, directement ou par le biais de la fiction, à son action de résistant en France, à sa capture à Joigny, à son emprisonnement à Auxerre, à son voyage de déporté vers l’Allemagne, enfin à sa captivité à Buchenwald. Il est plus précis sur le maquis de la Forêt d’Othe (ce qui nous intéresse particulièrement) en septembre 1943, avec la réception d’armes parachutées et un combat contre un détachement allemand ou sur le dynamitage d’un train de munitions allemand à Pontigny, le 7 octobre 1943, action menée par trois membres du groupe jovinien d’Irène Chiot et à laquelle il participe directement. C’est cette dernière action qui aboutit à sa capture et arrestation, le 9 octobre 1943, dans la maison de la mère d’Irène Chiot où il s’était arrêté pour dormir. Il écrit : " L’avant-veille, on avait fait sauter un train de munitions de la Wehrmacht à Pontigny (action datée du 7 octobre 1943) et un des gars de notre équipe avait disparu ; J’étais allé à Laroche-Migennes où nous avions des appuis : planques, boîte aux lettres, groupe de choc bien armé. Mais Georges V. demeurait introuvable, il n’y eut aucune possibilité de renouer contact. Certains indices laissaient même craindre qu’il eût été arrêté. Revenu à Épizy (faubourg de Joigny) après une nuit blanche, j’avais somnolé quelques heures… Mais voilà, nous avions la visite de la Gestapo… ". Il est emmené à la Feld-gendarmerie de Joigny. Puis il est emprisonné, durant quatre mois, à Auxerre et
torturé dans la villa de la Gestapo. Sources : Le grand voyage (1963), L’évanouissement (1967), Quel beau dimanche ! (1980), L’écriture ou la vie (1994), Le mort qu’il faut (2001), Une tombe au creux des nuages (2010), Exercices de survie (2012, ouvrage posthume et inachevé, préfacé par Régis Debray).
Les coups et tortures à la prison d'Auxerre
Il apprend plus tard que les services de la Gestapo se tiennent en face de la prison, à l’hôpital et sont dirigées par le Dr. Haas. Jorge Semprun écrit avoir senti son corps comme jamais auparavant : "C’est à Auxerre, dans la villa de la Gestapo, sous la torture, que j’ai vraiment pris conscience de la réalité de mon corps." Ces jours-là, il vérifie à quel point la description de Tancrède "s’ajuste à la réalité" : matraquage, corde glissée entre les menottes, "le pire étant d’être menotté dans le dos et suspendu, avec l’impression d’être disloqué, écartelé à jamais, avant l’ultime supplice, la baignoire". Les Français résistants sont donc martyrisés à l'hôpital psychiatrique d'Auxerre pendant la guerre. Une plaque en marbre apposée sur la porte de la cellule des tortures en atteste. Une autre porte masque la plaque et la porte de la cellule. Le Dr Pierre Scherrer, qui a été directeur de l’hôpital psychiatrique d’Auxerre a préservé la salle des tortures en condamnant les portes pour que jamais ces exactions ne tombent dans l’oubli. Il évoque précisément, dans son livre "l'Hôpital libéré-souvenirs d'un Psychiatre" , la cellule des tortures : " La plaque de marbre qui portait cette inscription fut fixée sur la porte de la cellule où avaient été "interrogés" des résistants. La gestapo les amenait en effet de la prison, de l'autre côté de l'avenue et après ces "interrogatoires", les malheureux allaient laver les plaies de leur visage au petit lavabo qui se trouvait au bas de l'escalier venant de la galerie couverte qui longe le service des femmes. Au haut de l'escalier, les blessés allemands et leurs infirmières s'esclaffaient en voyant les "terroristes" châtiés....Plus tard lorsque le bâtiment fut réaménagé et destiné à être utilisé, je fis conserver cette cellule telle quelle en recouvrant porte et plaque d'une autre porte qui masquait tout...On n'ouvrait cette porte qu'exceptionnellement. Chaque année pour la Journée des Déportés, elle était ouverte et les survivants venaient pieusement en pèlerinage devant cette cellule qui témoignait de leurs souffrances."
torturé dans la villa de la Gestapo. Sources : Le grand voyage (1963), L’évanouissement (1967), Quel beau dimanche ! (1980), L’écriture ou la vie (1994), Le mort qu’il faut (2001), Une tombe au creux des nuages (2010), Exercices de survie (2012, ouvrage posthume et inachevé, préfacé par Régis Debray).
Les coups et tortures à la prison d'Auxerre
Il apprend plus tard que les services de la Gestapo se tiennent en face de la prison, à l’hôpital et sont dirigées par le Dr. Haas. Jorge Semprun écrit avoir senti son corps comme jamais auparavant : "C’est à Auxerre, dans la villa de la Gestapo, sous la torture, que j’ai vraiment pris conscience de la réalité de mon corps." Ces jours-là, il vérifie à quel point la description de Tancrède "s’ajuste à la réalité" : matraquage, corde glissée entre les menottes, "le pire étant d’être menotté dans le dos et suspendu, avec l’impression d’être disloqué, écartelé à jamais, avant l’ultime supplice, la baignoire". Les Français résistants sont donc martyrisés à l'hôpital psychiatrique d'Auxerre pendant la guerre. Une plaque en marbre apposée sur la porte de la cellule des tortures en atteste. Une autre porte masque la plaque et la porte de la cellule. Le Dr Pierre Scherrer, qui a été directeur de l’hôpital psychiatrique d’Auxerre a préservé la salle des tortures en condamnant les portes pour que jamais ces exactions ne tombent dans l’oubli. Il évoque précisément, dans son livre "l'Hôpital libéré-souvenirs d'un Psychiatre" , la cellule des tortures : " La plaque de marbre qui portait cette inscription fut fixée sur la porte de la cellule où avaient été "interrogés" des résistants. La gestapo les amenait en effet de la prison, de l'autre côté de l'avenue et après ces "interrogatoires", les malheureux allaient laver les plaies de leur visage au petit lavabo qui se trouvait au bas de l'escalier venant de la galerie couverte qui longe le service des femmes. Au haut de l'escalier, les blessés allemands et leurs infirmières s'esclaffaient en voyant les "terroristes" châtiés....Plus tard lorsque le bâtiment fut réaménagé et destiné à être utilisé, je fis conserver cette cellule telle quelle en recouvrant porte et plaque d'une autre porte qui masquait tout...On n'ouvrait cette porte qu'exceptionnellement. Chaque année pour la Journée des Déportés, elle était ouverte et les survivants venaient pieusement en pèlerinage devant cette cellule qui témoignait de leurs souffrances."
Sous le couvert de la Croix-Rouge
après réquisition de l'hôpital psychiatrique
de la Waffen SS
furent martyrisés des Français
par l'armée allemande et sa transformation en lazaret
Les actions de résistance avec le groupe Bayard en mai 1943
« En mai 1943, on a eu l’ordre d’Irène de faire sauter un pylone qui reliait la commandantur avec le camp de Varennes. Avec Dédé Ducourrois, André Imfré (cousin de Marcelle Mulot), Roger Combes, on y est allé au mois de mai 1943. On a saboté les moteurs des tracteurs qui faisaient le débardage de bois. Les allemands l’emmenait en Allemagne). Il y avait 700 stères de bois. Grace à l’indication de Raymond Charlot, on a tout fait brûler. Les péniches attendaient en vain le bois de Saint-Flo » Témoignage Maurice Mulot
Le maquis Horteur
en forêt d'Othe - juin 1943
C’est là, fin
juin 1943, que naît le maquis des frères Horteur. Il comprend à l’origine
Pasquier dit «Henri», les trois frères Horteur et Maurice Berger. Il s’agrandit
en recevant les tirailleurs nord-africains (quatre Algériens et un Marocain),
prisonniers de guerre que Xavier et ses hommes ont fait évader. L’emplacement à
Mont-Saint-Sulpice est choisi pour deux raisons : sa proximité de Migennes où
les frères Horteur ont des amis et des relations avec Georges Vannereux et
Irène Chiot du groupe jovinien Bayard. Les maquisards réalisent quelques
sabotages. Début septembre 1943, ils s’installent quelques jours dans les bois
de la Rue-Chèvre, près de Chailley, dans la forêt d’Othe, où leur
ravitaillement est assuré par Maurice Mulot qui tient avec son père la laiterie
de Chailley. Cette mission, une fois terminée, les maquisards regagnent le
Mont-Saint-Sulpice. Roger Combes témoigne " En 43, les anglais
lançaient des tracts. J’en avais trouvé dans les grands champs au dessus
de la piste d’aviation actuelle. Lignières et Emile Combes sont dénoncés,
par L. sans doute, comme communistes et perquisitionnés. Ducourrois se trouvait
chez Emile Combes. Il vit un tract par terre et discrètement il marcha dessus,
le piétinera et lui sauva ainsi la vie ".
L'arrestation de Maurice Mulot, le 22 septembre 1943
Suite à une dénonciation, Maurice Mulot est arrêté le 22 septembre 1943 par les services de la police allemande de l’adjudant en chef Karl Hass, basé à Auxerre. « J’ai été dénoncé par M. G. de la Guinant pour ravitaillement de maquis. C’est certain, car il témoigné devant moi à Auxerre. J’ai été matraqué mais j’ai nié. Cela ne lui a pas réussi, il a été déporté, le comble. Mais il a été décoré à titre posthume". Ce jour du 22 septembre 1943, Xavier Horteur et Maurice Berger, ainsi que Simon Legouge, sont arrêtés à Brienon par la Gestapo. S’agit-il d’un malheureux hasard qui, comme en témoigne Maurice Mulot alors prisonnier dans une voiture de la Gestapo, aurait fait fuir Xavier qui passait à bicyclette, dans une impasse d’où il ne put s’échapper ou d’une opération de police dans les cafés de Brienon comme le dit un rapport de la Gendarmerie française. Les Allemands se rendent immédiatement au maquis. Qui leur en a indiqué l’emplacement ? Il n’y a pas de sentinelle, pas de garde. L’effet de surprise est total. Huit hommes sont faits prisonniers. "Plusieurs pistolets automatiques, fusils de guerre, mitraillettes, engins explosifs et plaquettes incendiaires ont été découverts et saisis » selon un rapport de la Gendarmerie française. Robert Horteur n’est pas au maquis et échappe à l’arrestation. La Gestapo poursuit son enquête qui conduit à l’arrestation de Léon Quarton à Migennes. Xavier et Marcel sont emprisonnés à Auxerre, traduits devant un tribunal militaire allemand et condamnés à mort. Jorge Semprun qui est alors lui aussi emprisonné à Auxerre, évoque les frères Horteur dans plusieurs de ses romans. Le 18 janvier 1995, il témoigne par la bouche d'Alain Vincent : « Le 23 décembre, au moment où Marcel Horteur a été emmené, il a crié, il a ameuté toute la prison, parce qu’il savait que son frère se trouvait dans une autre cellule. Il n’est pas parti silencieux comme d’autres, enca- dré par les soldats. Il a crié : « Xavier ! On m’emmène ! On me fusille !» Puis, il a hurlé des mots de résistance, dit ce qu’il pensait de la lutte. Dans les cellules, tout le monde s’est mis à taper sur les gamelles. Toute la prison était collée aux portes entr’ouvertes, et pendant que la voix de Marcel résonnait, les détenus tapaient et criaient. C’était leur manière de dire : « Au revoir Horteur.. . » Ginette Legouge, la fille de Simon Legouge, se
souvient : "Vers 10 heures, le 22 septembre 1943, des
soldats allemands arrivent à la ferme. Dans la voiture je vois un homme ; on me
dira plus tard qu’il s’agissait de Mulot de Chailley ; ils me demandent s’il
n’y a pas une voiture à vendre. Je leur dis en la montrant sous une grange,
qu’ici on a cette vieille auto. Je ne savais pas qu’elle servait de cachette à
des explosifs, que des gars sont venus prendre plus tard ; je ne savais pas que
mon père s’occupait de çà. Les allemands sont repartis sans la regarder ! (la
chienne pourtant gentille à beaucoup aboyé et les aurait mordus. Ils
cherchaient mon père ; je les ai envoyé au Mont-Saint-Sulpice et je me suis
dépêchée d’aller le prévenir. Il travaillait à la sucrerie. Je suis passée
en vélo par le canal. Les Allemands y arrivaient en même temps que moi du côté
de la gare. Je me suis arrêtée ; mon père m’a crié de faire demi-tour, de m’en
aller. Le chien m’avait suivi comme il suivra la voiture ; les Allemands le
tueront. Au retour, Sassier qui travaillait au bord du canal, a réparé ma
roue et m’a dit de me cacher sous un tas d’herbe. Ils sont revenus 3 fois sur
la route et puis ils ne sont plus repassés. Mon père a été conduit à la
prison d’Auxerre. Ma mère a essayé de le voir ; un gardien faisait passer des
petits bouts de papier. On a su qu’il était parti pour le "Cherche Midi".
Mon père faisait de la résistance avec les Mouturat de Bouilly ; c’est eux qui
m’ont dit pour les explosifs et qui sont venus les reprendre. Dans leur
entreprise, ils cachaient des gars du STO qui venaient du Mont, de Migennes
aussi ; il y en avait pas mal à la sucrerie" (Joël Drogland a recueilli
les souvenirs de Ginette Legouge après la mort de son père).
Emprisonnement de Maurice Mulot à Auxerre, le 22 septembre 1943
Maurice Mulot est emprisonné à Auxerre du 22 septembre 1943 au 25 février 1944. La prison d’Auxerre est divisée en 3 ailes. Chaque aile dispose de 36 cellules (dont 12 cellules pour des femmes détenues) avec 6 à 8 prisonniers par cellule. Les détenus ont un numéro de matricule et un triangle qu'ils portent sur leur tenue : les détenus n'ont plus de noms, plus d'identité ce ne sont plus que des numéros les SS parlent d'eux en disant "Das Stuck" (Le morceau). Les matricules et les triangles n'ont pas que pour objectif le classement des déportés, c'est aussi une façon de montrer au nouveau détenu qu'il n'existe plus en tant qu'être humain. Les triangles qui ont la pointe en haut, ce sont les récidivistes.
Les triangles apposés sur les vêtements des détenus |
Parcours de déportation de Maurice Mulot
Robert Horteur et Simon Legouge vont suivre le même parcours de déportation que Maurice Mulot : Stuthoff, Gross-Rosen, Dachau ; ils seront libérés le même jour.
Plan des camps de concentration et d'extermination allemands |
Transfèrement au camp de de concentration de Struthof en février 1944
Le 25 février 1944, Maurice Mulot est transféré au camp de concentration du Struthof, en Alsace, matricule 7863 où il restera deux mois, classé NN (Nuit et Brouillard). Le camp de Natzweiler Struthof est le seul camp de concentration situé en France. Les Nazis, de 1941 à 1944,en font un véritable enfer. C'est une des camps les plus meurtriers du système nazi. Les déportés arrivent de toute l'Europe. Il sont sous-alimentés, ils travaillent jour et nuit à l'extraction de pierres ou de gravier, puis à la réparation de moteurs d'avion de l'armée allemande. Ils effectuent le matin une toilette sommaire et la nuit, ils dorment entassés dans des chalets en bois, recevant une maigre ration de nourriture. Une baraque de l'ancien camp abrite aujourd'hui un musée consacré au KL-Natzweiler. Le site comprend également un mémorial aux martyrs et héros de la déportation" et une nécropole nationale, ainsi que le Centre européen du résistant déporté qui rend hommage à ceux qui, partout en Europe, ont lutté contre l'oppression. « On n’existait plus pour personne. Habillés en civil, deux NN dans le dos et 2 sur les cuisses en peinture rouge. Aucune évasion possible... On refaisait les routes de rotho en Alsace au camp de Strutoff. On ramassait les cendres de nos compagnons pour les mettre dans une carrière dans la montagne. Une flamme du souvenir immortalise ce lieu » se rappelle Maurice Mulot.
Le camp de Struttof |
Nuit et Brouillard NN.
Les décrets Nacht und Nebel signés du maréchal Keitel les 7 et 12 décembre 1941 permettent d'interner les auteurs d'attentats à la vie, d'espionnage, de sabotage, de menées communistes, d'aides portées aux membres des forces armées ennemies, de détention illégales d'armes. Ces décrets stipulent que ces actes ne seront à juger dans les territoires occupés que s'il est probable que des peines de mort soient prononcées contre leurs auteurs principaux . Les audiences des tribunaux en Allemagne doivent se dérouler à huit clos et dans le secret le plus absolu . Ces décrets ne concernent que les résistants de l'Ouest : Belges, Danois, Néerlandais, Norvégiens et Français. La plupart des NN ont été arrêtés sur ordre de la Gestapo, les autres sur celui de la Wehrmacht. D'abord enfermés dans des prisons ou des camps spéciaux, les NN sont pour la plupart regroupés au camp de Natzweiler-Struthof à partir de novembre 1943.
Les décrets Nacht und Nebel signés du maréchal Keitel les 7 et 12 décembre 1941 permettent d'interner les auteurs d'attentats à la vie, d'espionnage, de sabotage, de menées communistes, d'aides portées aux membres des forces armées ennemies, de détention illégales d'armes. Ces décrets stipulent que ces actes ne seront à juger dans les territoires occupés que s'il est probable que des peines de mort soient prononcées contre leurs auteurs principaux . Les audiences des tribunaux en Allemagne doivent se dérouler à huit clos et dans le secret le plus absolu . Ces décrets ne concernent que les résistants de l'Ouest : Belges, Danois, Néerlandais, Norvégiens et Français. La plupart des NN ont été arrêtés sur ordre de la Gestapo, les autres sur celui de la Wehrmacht. D'abord enfermés dans des prisons ou des camps spéciaux, les NN sont pour la plupart regroupés au camp de Natzweiler-Struthof à partir de novembre 1943.
Le documentaire du cinéaste Alain Resnais "Nuit et Brouillard" en 1956 informe le premier des conditions de détention des prisonniers NN. Dans l’Yonne Robert Bailly a été le premier à avoir écrit sur la résistance dans l’Yonne ; ensuite le travail de recherche de l’ARORY regroupera une quantité importante de souvenirs et de photos.
Vidéo You Tube de Jean Léger, résistant dans l'Yonne et déporté à 17 ans au Struttoff. Il revient sur ses pas en 2009 avec une classe. A découvrir les 2 vidéos tournées à la suite.
Vidéo You Tube de Jean Léger, résistant dans l'Yonne et déporté à 17 ans au Struttoff. Il revient sur ses pas en 2009 avec une classe. A découvrir les 2 vidéos tournées à la suite.
Transfert au camp de concentration KL Gross-Rosen (GR)
Maurice Mulot est
ensuite déporté à l'Estaucamp de Grossrosen : " je suis envoyé à
Gross-Rosen en Pologne, camp qui dépendait d’Auschwitz. J’y suis resté jusqu’en
février 1944. Travail de carrière : transporter des blocs de pierre à dos ...". Situé en Silésie, au sud de l'Oder et à 60 kilomètres de Breslau,
près de la ville portant le même nom (Rogosnica, en polonais), le KL Gross
Rosen est un camp de concentration de la seconde génération, celle de l'expansion
territoriale du Reich vers l'Est. Nombre de témoignages évoquent l'aspect
monotone du camp, illustré par ses vingt-deux blocs identiques et alignés
jusqu'au crématoire. Les détenus sont astreints au travail forcé dans les
carrières voisines du camp, particulièrement meurtrières. Les prisonniers « NN
» y sont internés dans les blocs 9 et 10, qui peuvent contenir jusqu'à 1 000
détenus chacun. Ils subissent des conditions effrayantes de manque d'hygiène et
d'épuisement qui conduisent rapidement à la mort. Le crématoire construit
en 1941 est remplacé en 1943 par des fours à quatre chambres et à grand
rendement. Sur les 200 000 personnes qui ont séjourné au camp, on estime que 40
000 y ont trouvé la mort.
Arrivée au camp de concentration de Dachau dans la banlieue de Munich
Maurice est transféré jusqu'à la fin de la guerre au camp de Dachau près de Munich. Le KL Dachau est situé en Bavière, à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Munich. C’est le premier camp de concentration créé par le IIIème Reich, le 20 mars 1933, soit seulement sept semaines après l’accession d’Adolf Hitler au pouvoir. Il constitue ainsi le modèle de référence sur lequel d’autres camps ont été construits et ont fonctionné jusqu’à la fin de la guerre. Au total, plus de 200 000 déportés sont passés par Dachau et ses Kommandos. Parmi eux, on trouve 12 500 Français environ. Le martyr se termine le 15 mai 1945 quelques jours après la capitulation sans condition de l’ennemi. «Nous étions au moins 80 000, 40 français à peu près. On devait passer au tribunal militaire de Breslau. La personne n’en revenait et on nous avait prévenus : vous n’en sortirez qu’en fumée .... Avec Simon Legouge, on ne s’était jamais quittés jusqu’au jour où il a attrapé le typhus, juste avant la libération. Chacun de nous se croyait mort... Juste avant la libération, je suis reparti en commando travailler à la piste d’aviation de Munich. Un mois de terrassement avec pioche et pelles. Bombardés par les Anglais (500 morts) et pourtant sur le terrain, ils nous voyaient. Mais la guerre est une sauvagerie.... » témoigne Maurice Mulot. Dans la liste des déportés NN, établie par la Fondation pour la mémoire de la déportation, on retrouve le nom de Maurice Mulot, Matricule 7863 au KL Natzweiler, libéré le 29 avril 1945 de Dachau. Sont également cités les icaunais Robert Horteur de Charmoy, Simon Legouge, qui ont suivis le même parcours que Maurice Mulot. Jean Léger de la Chapelle-sur-Oreuse a été déporté au Struttoff ( voir la vidéo témoignage ci-dessus), puis à Dachau et libéré le 30 avril 1945 du kommando Allach près de Dachau. Gabriel Ramelet de Ravière dans l’Yonne est décédé à Gross Rossen le 01 septembre 1944, Maurice Jean Guerrey, né le 24 février 1921 à Sormery habitant à la Guinand dans cette commune, est décédé le 1er mai 1945 à Dachau, Léon Quarton de Laroche est décédé au camp de Nordhausen le 11 avril 1945.
La débacle allemande et le retour de libération de Dachau
« Les russes nous ont libéré... La débacle allemande est arrivée. Ils nous ont évacués à pied, jusqu’à l’Oder rivière qui se trouve plus bas que la Bavière. 8 h de marche forcée et on tuait ceux qui n’avancaient pas. On avait des claquettes en bois, tenues par du tissu. Dans la neige. Les SS se relayaient... prudents. On était à bout et prêts à tout. Là, on s’est évadés avec 6 copains dont André Laborde et le chauffeur de taxi. A part André Laborde, nous ne nous sommes jamais revus. Les autres du commando, peut être 300, qui étaient restés prisonniers ont sauté sur le pont sur l’Oder miné par les allemands. Mitrailleuses à chaque bout. Comble de l’horreur, la soupe du soir était empoisonnée ; Vite il fallait traduire dans toutes les langues… les hommes avaient si faim. On se cachait le jour, on marchait la nuit dans la neige. On suçait la neige…rien à manger. 3 ou 4 jours à vivre ainsi. Puis libérés par les Américains qui étaient partout. Nous sommes allés les voir bien au dessus de Munich à Grosse Harpenig, petit pays comme chailley. J’étais à bout, je pesais peut etre 35 kg ! " témoigne Maurice Mulot.
Dans l'Yonne en 1944, la Résistance s'amplifie
A Chailley et en forêt d’Othe en 1944
En 1944, la résistance s'organise vraiment en forêt d'othe. La région choisie est la partie centrale de la forêt d'Othe, autour de Chailley, à la limite des départements de l'Yonne et de l'Aube. Le 12 juin 1944, les maquisards s'installent provisoirement dans le bois des Fourneaux, près du hameau du Vaudevanne. Le nouveau maquis reçoit le nom
d' «Horteur » et Emile Laureillard, adjoint de
"Verneuil ", prend le commandement du maquis. Le 22 septembre 1943, il est cantonné dans les bois du Fays en attente d’un parachutage destiné à ravitailler le maquis (témoignage Roger Combes). L'objectif du maquis Horteur est de créer une
"forte base de ravitaillement et d'armement ". Georges Mulot, patron de la laiterie de Chailley, organise le ravitaillement et son domicile sert de
"boîte aux lettres ". Raoul Dubois, qui sera maire de Turny, fait partie des résistants du mouvement Libération-nord (Musée de la Résistance). Le ravitaillement des maquisards s’effectue auprès de fermes attitrées , en particulier celle de la famille Mathieu à la Rue-chèvre, qui puissent menacer les liaisons nécessaires avec le front de Normandie. (Joël Drogland, " le maquis Horteur ", in CD-ROM La Résistance dans l'Yonne, Arory, 2004).
La répression allemande du 20 juin 1944
La Wehrmacht mène une attaque d’importants, avec 3000 hommes, contre les maquis de la Forêt d’Othe, le 20 juin 1944. Arces est investi par les Allemands, le 22 juin 1944 qui trouvent des armes et arrêtent 7 personnes. 3000 Allemands s'en prennent au groupe Horteur. Le 23 juin 1944, sur la route du hameau de la Rue-chèvre à la Coudre, Marcel Mathieu, fermier et son fils Maurice ainsi que Henri Bourgoin sont fusillés par les allemands pour avoir aidé un groupe de résistants. Une plaque est posée en leur mémoire. Le même jour, les allemands investissent Chailley, rassemblent les habitants et 29 otages devant un mur de la rue des fossés. Chailley est soupçonné de servir de base arrière aux terroristes. Sous les yeux des habitants, ils massacrent 4 chaillotins résistants et 3 maquisards prisonniers de Saint-Mars-en-Othe. L'épicière Marcelle Guillemot est frappée sauvagement car elle ravitaillait le maquis Horteur. Finalement 16 otages sont transférés à Auxerre. Le maquis Horteur est l'objet d'une attaque importante, dans le cadre d'un plan d'action de la Wehrmacht qui a pour objectif d'anéantir tous les maquis de la forêt d'Othe. L'avant-veille, le chef de la Gestapo de l'Yonne est arrivé au Vaudevanne pour y arrêter le Commandant Verneuil qui avait juste eu le temps de s'enfuir et gagner les bois. Il sera rattrapé 4 jours plus tard. Les maquisards s'étant concertés pour préparer un repli stratégique en Tonnerrois, avant le déclenchement de l'offensive allemande, la journée du 22 avait été consacrée à charger sur les camions les stocks de munitions, d'explosifs, d'essence et de vivres rassemblés en vue des opérations futures. Par un hasard malencontreux, le Capitaine Edgar (Laureillard), parti réquisitionner un véhicule avec ses hommes, ne put rentrer pour que l'évacuation s'effectuât à l'heure choisie, avant minuit. En revenant, il dut se défendre à la grenade contre l'un des détachements de l'ennemi qui passait à l'attaque de la Forêt d'Othe avec blindés et canons. Au cours des combats de la journée, qui tournèrent à l'avantage des Allemands, le Lieutenant Cormeau et deux autres maquisards furent tués. Le Capitaine Edgar obtint son salut en grimpant sur un arbre. Tout le matériel amassé fut détruit afin que la Wehrmacht ne s'en servit point. Le commandant Verneuil avait été déjà pris le 16 à Arces et torturé.
La libération de Saint Florentin le 23 août 1944
Saint-Florentin et les villages alentours sont libérés le 23 août 1944 par les FFI avec l’appui de la 3ème armée Américaine venant de Normandie. Le mercredi 23 août 1944, dans la soirée, les derniers Allemands évacuent Auxerre ainsi que l’aérodrome d’Auxerre-Monéteau. Le matin même, un accrochage a lieu non loin de là, au dépôt d’essence à l’entrée de Monéteau. Le colonel Otto Schrader, Feldkommandant de la place d’Auxerre y trouve la mort. Le 4 septembre 1944, le département de l’Yonne est entièrement libéré.
Roger Combes témoigne "En août 1944, à la libération nous étions réunis avec tous les maquis du coin au moins cinq cent à la Charbonnière, située après la Guette à Sormery. Le père Loriol était le Chef. Les frères Bosset sont venus boire un coup, ainsi qu’Yves Lamare et son père qui n’avait pas peur. Il avait fait la guerre de 14. Le jour de la libération on a occupé la mairie. Puis vite on a couru après 9 soldats allemands signalés par Fernand Duranton. Ceux-ci se cachaient dans les biques d’avoine aux Mauvières, au dessus de Chailley vers la Garenne. L’un, blessé a une jambe, a été amputé à Joigny. Le SS qui s'est sauvé et les autres âgés entre 15 et 16 ans, se sont rendus terrorisés car ils avaient peur d’être fusillés, Nous sommes restés 3 jours à Chailley, à la Mairie après le départ des Américains qui les ont fait prisonniers. Après la libération, on a continué nos rondes. Les allemands filaient sur l’est et repassaient."
La libération de Chailley le 23 août 1944 par les troupes américaines (coll. Nicole Frochot) |
Roger Combes témoigne "En août 1944, à la libération nous étions réunis avec tous les maquis du coin au moins cinq cent à la Charbonnière, située après la Guette à Sormery. Le père Loriol était le Chef. Les frères Bosset sont venus boire un coup, ainsi qu’Yves Lamare et son père qui n’avait pas peur. Il avait fait la guerre de 14. Le jour de la libération on a occupé la mairie. Puis vite on a couru après 9 soldats allemands signalés par Fernand Duranton. Ceux-ci se cachaient dans les biques d’avoine aux Mauvières, au dessus de Chailley vers la Garenne. L’un, blessé a une jambe, a été amputé à Joigny. Le SS qui s'est sauvé et les autres âgés entre 15 et 16 ans, se sont rendus terrorisés car ils avaient peur d’être fusillés, Nous sommes restés 3 jours à Chailley, à la Mairie après le départ des Américains qui les ont fait prisonniers. Après la libération, on a continué nos rondes. Les allemands filaient sur l’est et repassaient."
Retour en France de Maurice Mulot en mai 1945
Arrivée à l'hôtel Lutétia à Paris
L'hôtel Lutetia à Paris (CPA Coll. Veronique Battut) |
A la
libération, Maurice Mulot arrive à l'hôtel Lutétia, à Paris, avec des
milliers d'autres déportés. 15 000 déportés vont être accueillis dans
cet hôtel pendant quatre mois du 26 avril au 30 août 1945. C’est au Lutétia qu’ils
ont pris conscience de l’ampleur de la tragédie de la déportation. Ampleur par
le nombre « d’absents » qui ne reviendront pas, ampleur de
l’extermination des Juifs et ampleur de la déshumanisation mise en oeuvre par
les nazis. Le bilan est terrible. 166 000 déportés de France, parmi
lesquels 76 000 Juifs dont 11 000 enfants. 48 000 d’entre eux sont
rapatriés en France, dont 3 000 Juifs. D’après les estimations de l’historien
Arnaud Boulligny, un tiers va passer par le Lutétia. "On
devait être rapatriés par avion. On est revenus par camion jusqu’à la frontière
(vers le pont de Khel). Après par wagon jusqu’à Paris ; En gare de Nancy,
ravitaillés par la croix Rouge. Une jeune fille me demanda si je connaissais un
garde chasse (hélas disparu : son père). J’ai été libéré officiellement à
l’hôtel Lutétia à Paris qui existe encore, à la tombée de la nuit. On
est passé en arrivant à la désinfection. Puis l'Etat-major de l’armée qui
tenait à tout savoir de nous. C’est seulement là que j’ai connu mon numéro de
matricule du Groupe Bayard de la résistance N° 406 car c’était secret. On
passait un par un. On recoupait nos dires. Alors là, tout le monde se levait et
venait nous serrer la main. Puis on nous a donné nos tickets d’alimentation,
une prime de mobilisation, un bon pour un complet et des chaussures livrées
plus tard. Déposé à la gare de Lyon le lendemain de justesse (j'avais fait de
la pleurésie en Allemagne). Le docteur voulait me garder. J’ai voulu rentrer
chez moi pour me faire soigner par de Docteur Boichut..." témoigne
Maurice Mulot.
LUTETIA palace des bagnards d’honneur
Article du journaliste Feline du Journal Libres
« Une animation, une activité intenses règnent depuis quelques jours aux abords immédiats et à l’intérieur de ce grand caravansérail du boulevard Raspail. Il n’y a pas encore longtemps nos « corrects » occupants y effectuaient d’inutiles travaux de retranchement. Ce sont aujourd’hui leurs victimes, les déportés politiques, qui exclusivement remplacent dans les chambres luxueuses et les somptueux salons les «souris grises» et leurs mâles arrogants. J’ouvre ici une parenthèse pour signaler que ces déportés politiques sont arrivés à Paris par leurs propres moyens, en faisant le mur, en quelque sorte comme s’ils étaient toujours effectivement prisonniers. Enfermés à nouveau dans des camps en quarantaine, nourris sans discernement d’aliments trop riches après un jeûne prolongé ces malheureux se voir mourir plu misérablement encore d’avoir entrevu un court instant l’aube de la liberté. Ne peut-on rapatrier plus rationnellement nos pauvres compatriotes épuisés ? Pour revenir au centre d’accueil de Lutétia réservé aux déportés, malgré son importance, il sera bientôt nettement insuffisant. Il est plein à craquer et tout a été pratiquement utilisé. Un brouhaha indescriptible de cris et d’appels confus y règne. Ce ne sont cependant pas les déportés eux mêmes qui sont capables dans leur piètre état physiologique de créer tout ce tintamarre et cette animation. D’une maigreur étonnante (il est des grands gars de 38 kilos) dans leur souquenille rayée de larges bandes bleues et grises, ils sont à petits pas hésitants de vieillards s’aidant souvent d’une canne et guidés par des scouts infatigables, admirables de dévouement. L’épuisement des ces êtres est tel qu’il apparait indispensable de les réadapter à presque tous les actes de la vie normale ; C’est avec indifférence, avec atonie qu’ils supportent les multiples formalités du contrôle militaire, de l’habillement, du service social...etc. On se sent invinciblement pris de timidité devant ces hommes et ces femmes recroquevillés, vieillis, amoindris, dans leur condition physique dont les yeux agrandis reflètent encore l’horreur et l’effroi. Le peuple gouailleur de Paris lui-même dont le flot généreux vient battre sans répit les portes du Lutétia montre une étrange pudeur à découvrir son cœur et son émotion. Personne n’ose sans hésitation interroger ces pauvres rescapés des radeaux de la méduse nazie » Signé Feline - Journal Libres
Plaque du souvenir sur le Lutétia |
Le retour à Chailley de Maurice Mulot, le 15 mai 1945
Maurice Mulot à son retour de déportation en mai 1945 (archives Gérard Mulot) |
« Heureux. J’ai voulu monter à Chailley à pied. Je revois encore Marcel et Germaine Bourgoin m’attendant avec un bouquet de roses à la main. Je suis rentré le 15 mai 1945. Le plus impressionnant, c’était le matin, sur les marches, au lever de ne plus voir les barbelés, les miradors, plus de SS, plus de chiens et de me sentir libre… Le Docteur Boichut m’a soigné les poumons ; Il m’a conseillé de manger trés peu. Il a soigné ma morsure. Il ne voulait jamais être payé. On le récompensait autrement. Il était très attentif et si humain. »
Au retour, Maurice Mulot revient avec son habit de déporté et le fameux triangle rouge :
N° matricule de déportation de Maurice Mulot (collection Gérard Mulot) |
Le triangle rouge
des opposants politiques (communistes, résistants…) avec la lettre F
correspondait au pays d’origine (Frankreich c’est à dire France). Les déportés
portaient ce triangle rouge sur leur poitrine du côté gauche. Après ces
durs moments et une difficile réadaptation à la vie normale, Maurice reprend
son travail à la laiterie.
Le retour de Simon Legouge raconté par sa fille : " A son
retour, papa pesait 35 à 40 kg ; il ne pouvait manger que du lait. Il
avait été battu à Auxerre. Il est rentré avec un testicule en moins. Au camp,
il remontait le moral aux autres. André Verchuren qu’il avait connu là-bas, est
venu à Migennes. Il est venu aussi pour un bal des déportés ; c’est là que
j’ai laissé le préfet dehors, je ne le connaissais pas ! Mon père
avait aussi un copain italien et un alsacien ; ils se sont revus. Il
est retourné voir le site du Struthof. En 1945, il a acheté l’ancienne
scierie de Desobèle qui avait brûlée au 25, route de Joigny, et a monté son
entreprise. Pour son camion emporté à Auxerre, il a touché peut être 200
F, de quoi en acheter un autre. On lui a confié des chantiers publics LTT,
lignes téléphoniques à grande distance. Il a construit en 1954, le silo de
Brienon, beaucoup de châteaux d’eau (Germigny, Verlin…) et les HLM, des égouts,
l’adduction d’eau de Vaudupuits. Il a eu jusqu’à 90 ouvriers. Je faisais
la comptabilité parce qu’il n’était pas allé à l’école longtemps : il
était orphelin de père et avait 5 frères ; il a fallu gagner sa vie
de bonne heure... "
Karl Haas, le chef de la Gestapo d’Auxerre, arrêté en 1947
" Haas, le chef de la gestapo d’Auxerre a été retrouvé grace à son fils qui n’a pas supporté que son père soit SS et a dnné son adresse. Ce Haas s’est pendu à Nancy dans sa cellule avec un grillage qui fermait une fenetre derrière les barreaux, échappant ainsi à la justice des hommes" . En fait, Karl Haas a été arrêté le 8 mars 1947 près de Fribourg et s’est pendu le lendemain dans sa cellule. (La Gestapo et les Français par Dominique Lormier. Ed Pygmalion 2013). " Lozel ou Lozeil ou Lozeilles est le nom de code de M. M. A la kommandatur, les allemands le saluaient et à Troyes il était le maitre. Il a été condamné à perpétuité après la guerre. Jugé à Auxerre, Georges Mulot et Emile Combes étaient présents. Maurice avait ordre de le tuer. Il dormait la fenêtre ouverte et Maurice a pensé jeter une grenade. Mais il a été pris avant " témoigne Roger Combes
Le bilan des pertes humaines de la guerre dans l’Yonne
Au total, l'Yonne déplore la perte de 740 civils tués en 1940, 190 militaires pour la même période, au moins 250 civils tués en 1944, 550 déportés, 140 déportés juifs, 283 résistants ou otages fusillés par les Allemands et 223 résistants tués.
Maurice Mulot reprend sa vie à Chailley
Il épouse à Chailley, le 29 septembre 1945, Marcelle Beaulieu. La vie reprend. Maurice reprend son métier de chauffeur à l'entreprise Galvacentre à Saint-Florentin.
Maurice Mulot, chauffeur routier en 1970 (archives Gérard Mulot) |
Maurice et Marcelle Mulot (archives Gérard Mulot) |
A Chailley, son village, il s’est investi dans beaucoup d’associations comme : le club des anciens les colchiques, l’amicale des anciens combattants, la société de chasse, les amis des monuments et sites, sans compter les diverses associations d’anciens combattants et déportés résistants.
De droite à gauche, Maurice Mulot, Gérard Bourgoin, Raymond Manigaud |
Ses décorations
Il a reçu de multiples décorations pour ses actes de bravoure et ses souffrances :
- La légion d’honneur à titre militaire, décoré comme membre titulaire pour mise en péril de sa vie sous le numéro 18512 au grade de chevalier.
- La médaille militaire.
- La croix de guerre 1939 avec Palme
- La croix d’or du combattant.
- La croix de bronze du combattant.
- La croix du 18 juin 1940.
- La médaille d’or du combattant volontaire de la résistance.
- La médaille d’or de la déportation et de l’internement pour faits de résistance.
- La médaille des combattants de la fédération nationale André Maginot.
En conclusion
Il n'a jamais raconté ses souffrances de la guerre à ses enfants. Il n'en parle qu'avec ses amis anciens combattants et résistants; Ils peuvent se comprendre. Simon Legouge, Maurice Mulot et Marcel Bourgoin restèrent amis toute leur vie. Maurice Mulot, après une vie complète, à l'âge de 88 ans, décède le 2 juillet 2009 à Chailley. Son engagement de résistant au côté de son père Georges mérite d'être évoquée. Son parcours de déporté, dans les camps de concentration les plus durs du régime nazi, ne peut être oublié. Chailley a ses héros "ordinaires". Que sa famille et le village en soit fier.
Pour en savoir plus : Lire "Un département dans la guerre 1939-1945 ; occupation, collaboration et résistance dans l'Yonne de Claude Desselle, Joël Drogland, Frédéric Gand, Thierry Roblin, Jean Rolley . Ouvrage collectif de l'Arory (Association pour la recherche sur l'occupation et la résistance dans l'Yonne) - Editions Tiresias
2 commentaires:
Grand merci à vous.
Est-ce que ce précieux travail pour l'hommage à M. Mulot est imprimé et relié ?
très fière de mon grand père. Sébastien fils de Ginette Mulot
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