Les nourrices à Turny en 1787

#ChallengeAZ

Il est  surprenant de constater que, dans les registres de décès de mon village de Turny dans l'Yonne, le nombre d'enfants décédés jeunes et placés en Nourrice est très nombreux.

Des artisans ou de marchands de la capitale placent leur bébé à la campagne.

Je ne connais pas la raison de ces placements : manque de place dans l'habitation, horaires difficiles du travail, souhait de donner une bonne alimentation à leur enfant, placement dans une campagne saine et verdoyante ? ...

J'imagine plusieurs raisons, mais je ne sais laquelle privilégier.

Les nourrices de Turny, hameau de 500 habitants situé dans l'Yonne en Bourgogne, a accueilli de nombreux enfants de Paris. Combien ? Nous ne saurons sans doute jamais car seuls sont recensés ceux qui sont décédés dans la commune.
                                                       
Au 18ème siècle,  un grand nombre d' enfants sont malheureusement morts en bas âge. La mortalité infantile est très importante puisqu'un enfant sur quatre meurt avant d'atteindre l'âge d'1 an.

Le Curé de Turny a noté de façon méthodique les noms, les métiers des parents, ainsi que le nom des nourrices.

Pour exemple, j'ai choisi l'acte de décès intitulé "Mortuaire d'enfant de Paris " daté du 5 octobre 1787


Acte état civil Mortuaire d'enfant de Paris à Turny en 1787

Je déchiffre, malgré mes difficultés dans la lecture de certains actes,  les termes suivants :

" Le jour du 5 octobre 1787 a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse par moi Curé soussigné, le corps de Jean Jacques fils de François  Verrineur et de Marguerite Prévôt ses père et mère demeurant à Paris rue de la Roquette faubourg saint Antoine Maison du Marchand de vin ... confié aux soins de Marie Anne Dubois femme de feu Pierre Dubois, nourrice ... âgé de 5 mois et demi environ. L'inhumation s'est faite en présence de sa nourrice qui a déclaré savoir signer et d'Edme Augustin Beau étudiant qui a signé avec nous. "

Je constate que les parents ne sont pas présents à l'inhumation. Le placement est-il une sorte d'abandon, n'ont-ils pas les moyens financiers de se rendre sur place, ou  n'ont-ils été informés que plus tard ? Je ne peux faire que des suppositions.

Notre petit Jean Jacques, mort à 5 mois, n'est pas le seul nourrisson placé à la campagne à cette époque.

Paul Vasseur, dans son ouvrage Protection de l'enfance du 4° au 20° siècle,  rapporte que en 1780 sur 21 000 enfants qui naissent annuellement à Paris, 19 000 sont envoyés en nourrice. Si ces chiffres sont vérifiés, c'est un véritable phénomène de société.

C'est ainsi qu'une économie locale en Bourgogne, se développe :  celle des nourrices "sur place" qui nourrissent de leur lait les bébés et élèvent les enfants de la ville parfois pendant plusieurs années. Ces nourrices apportent un complément de revenu à la famille. Ce "travail" c'est aussi celui des recruteurs appelés "meneurs" qui  convoient les nourrissons dans leurs allers et retours, apportent des nouvelles des enfants aux parents.

Pour tenter de moraliser et réglementer cette activité, en 1781, le code des nourrices est publié.









 






8 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous avez là une source exceptionnelle sur les nourrices ! c'est un trésor pour les historiens !
Cécile

Valérie a dit…

L'an passé j'avais débuté le challenge AZ par l'Allaitement mercenaire au 18e siècle.
Je pense que vous trouverez des réponses à vos questions
Le challenge a ça de bien que cela nous fait réfléchir et se documenter sur des sujets qui nous interpellent
Voici le lien vers mon billet:
Allaitement mercenaire au 18e siècle

Anonyme a dit…

Merci, cet article est riche en informations !!

Cilou a dit…

Je suis assistante maternelle et j'ai fait un exposé sur les nourrices. Les enfants étaient en nourrices car leur mère ouvrières, commerçante, épouse d'artisan... devait travailler. Ou dans les milieux plus aisés, un bébé n'avait pas sa place dans les mondanités et les receptions. Pour d'autres c'était peut être pour avoir l'assurance d'une meilleur santé... Sur 21000 enfants nés à Paris en 1780 1000 sont nourris par leur mère, 1000 par une nourrice à leur domicile, et 19000 sont placés à la campagne. En 1860 à Paris il reste encore 40% de nouveaux nés placés à la campagne. Le manque d'hygiene, les maladies infantiles, une mauvaise alimentation (les nourrices avaient de trop nombreux enfants à allaiter) causeront la mort de la moitié des enfants en nourrice avant leur 1 an. Une première législation, la loi Roussel, en 1874, institue un code des droits et des devoirs de la nourrice pour lutter contre la mortalité et les abus liés aux placements nourriciers.
Au XVIIIe et au XIXe siècle, la situation est très particulière en France.
Alors que l’allaitement maternel est généralisé dans le reste de l’Europe, et que l’allaitement mercenaire n’y est pas organisé, en France il existe un système très ancien de trafic nourricier avec des bureaux de placement, des meneurs et des meneuses de deux catégories de nourrices : les nourrices « à emporter », c’est-à-dire celles qui reçoivent des nourrissons de la ville à la campagne, et des nourrices « sur lieu », c’est-à-dire des nourrices qui laissent leur nourrisson à la campagne et qui se placent dans des familles bourgeoises dans les grandes villes.
Hippocrate (IVe avant JC), donnait des conseils pour choisir la nourrice adéquate, critères encore en vigueur au XIXe : de préférence brune, des gencives roses, une poitrine féconde, caractère doux, certificat de bonnes moeurs…
La Protection Maternelle et Infantile apparaît en 1945. Une de ses missions est d’organiser la surveillance des placements nourriciers. La fonction évolue vers une fonction de garde et de soins.

cilou a dit…

Les parents ne pouvaient être présents, vu qu'ils devaient recevoir le courrier annonçant le décès de leur enfant bien après son inhumation...

vero battut a dit…

Merci de tous vos commentaires et vos ajouts bien intéressants.

vero battut a dit…

Merci de tous vos commentaires et vos ajouts bien intéressants.

Mémoire vive - études généalogiques et familiales a dit…

Toujours en remontant les lettres du challenge, je tombe sur votre article vraiment passionnant sur les nourrices. Mon arrière-arrière grand père, originaire de la Nièvre voisine est le docteur Monot qui longtemps a combattu l'industrie des nourrices et qui est à l'origine de la loi Roussel. Je me permets de vous mettre en lien le portrait que j'avais dressé de lui il y a quelques années sur mon blog http://memoirevive-coteblog.blogspot.fr/2011/02/le-lait-du-morvan.html. Anne

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